La facture électronique : y voir une opportunité
Grégoire Leclercq, Directeur Général Délégué d’EBP, explore les multiples facettes de cette réforme d’envergure. En tant qu’expert éclairé, il partage son analyse approfondie et offre aux lecteurs un aperçu des défis et des opportunités que présente cette transition vers la facturation électronique.
La transition vers la facturation électronique en France est régie par un calendrier précis établi dans le cadre de la loi de Finances pour 2024. Cette réforme s’inscrit dans une démarche progressive, prenant en compte la taille des entreprises afin de faciliter leur adaptation à cette nouvelle pratique.
Si l’essor des solutions de gestion digitales est incontestable dans les grandes entreprises, la profession comptable a mis au jour le fait que 70 à 80% des TPE n’utilisaient pas d’outils adaptés. Éditées “à la main », au format Word ou Excel, les factures ne répondent pas du tout aux futures normes. De même, beaucoup d’entre elles sont encore acheminées sous format papier. On peut alors aisément comprendre que l’obligation de réceptionner et d’émettre des factures sous format électronique d’ici peu inquiète certains dirigeants, qui sont désormais 75% à en avoir entendu parler…
La transition vers la facturation électronique ne se fait pas sans susciter des débats et des polémiques. Certains remettent en question la vision souvent présentée des avantages de cette évolution, arguant qu’elle représente en réalité une contrainte et des coûts supplémentaire pour les entreprises. Il est indéniable que la facturation électronique engendrera des coûts initiaux liés à la mise en place de nouveaux systèmes informatiques et à la formation du personnel. De plus, certains peuvent craindre que cette transition ne complexifie davantage les processus administratifs, notamment pour les petites entreprises qui pourraient ne pas disposer des ressources nécessaires pour s’adapter rapidement, même accompagnées par un revendeur ou un intégrateur, et bien sûr leur expert-comptable…
Comment dès lors capitaliser sur la réforme pour accélérer l’émission et la comptabilisation des factures ? En utilisant les mois à venir pour s’équiper. En effet, les logiciels vont jouer un rôle clé : des millions de factures de ventes et d’achats sont déjà créées et envoyées depuis les solutions de gestion. Avec la nouvelle réglementation, les éditeurs vont devoir non seulement former leurs clients mais aussi leur proposer le parcours le plus fluide possible, pour télétransmettre une facture de vente, recevoir une facture fournisseur ou transmettre un e-reporting.
Naturellement, l’échéance peut sembler lointaine mais il est fondamental de l’anticiper pour ne pas bouleverser l’organisation administrative des entreprises. C’est pourquoi éditeurs et experts-comptables ont tout intérêt à faire front commun pour accompagner au mieux les entreprises, en recommandant dès aujourd’hui l’outil de facturation qui correspond à chacune d’elles.
Il est essentiel de regarder au-delà de cette perspective et de reconnaître les nombreux bénéfices que la facturation électronique apporte. On l’a dit et redit, la facturation électronique offrira des avantages significatifs aux entreprises : diminution des retards de paiement, réduction significative des coûts opérationnels liés à la gestion des factures papier, gain sur l’envoi postal et sur le stockage physique des pièces, suppression des tâches répétitives, réduction des risques d’erreurs… La liste peut être longue. Ainsi et selon une estimation du Ministère des comptes publics, la bascule de toutes les entreprises vers la dématérialisation totale élèverait leurs gains directs aux alentours de 4,5 milliards d’euros, à confirmer bien sûr !
Mais il ne faut pas se tromper ! C’est sur l’automatisation de la comptabilité que le changement technologique sera finalement le plus fort. En réalité, avec la facture électronique obligatoire, une nouvelle ère s’ouvre pour les dirigeants et les services administratifs et financiers des entreprises. La simplification drastique de la comptabilisation des achats et celle non moindre des déclarations fiscales seront absolument énormes. Les dirigeants vont enfin pouvoir bénéficier de tableaux de bord quasiment automatisés sur la trésorerie, le prévisionnel, les délais de paiement, la somme des impayés, les balances de TVA, leur besoin en trésorerie…
Tous ses paramètres et indicateurs seront à leur disposition pour mieux performer et maîtriser leur écosystème.
Le tournant sera aussi capital pour l’État, car l’administration publique va pouvoir suivre en direct ou presque les flux économiques via les agrégats de flux de factures. Ces chiffres permettront un véritable pilotage macro-économique et une focalisation des interventions au plus juste et au plus près des besoins réels. Ces informations viendront enrichir les données utilisées par Signaux-Faibles, la start-up d’État mise en place pour détecter les entreprises en difficulté.
Outre la surveillance des délais de paiements, la lutte contre la fraude à la TVA sera optimisée. Elle est actuellement estimée à 134 milliards d’euros par an (erreurs de bonne foi incluses). La mise en œuvre de la facturation électronique facilitera le recouvrement de 25 milliards d’euros, le reste étant de la véritable fraude dont la détection sera améliorée, notamment la fraude dite « au carrousel ».
Face à la quantité de documents concernés par cette nouvelle réglementation, et aux investissements à concéder par les entreprises, la priorité du gouvernement sera de faire preuve de pédagogie afin d’éviter les risques d’accident industriel. Soyons clair : si toutes les entreprises attendent le dernier moment pour se préparer, les éditeurs, intégrateurs de logiciels et formateurs exploseront en vol ! Les PME doivent donc dès maintenant cartographier leurs flux de transactions et à partir de là, identifier les partenaires les plus adaptés pour s’équiper en solutions informatiques de gestion et transformer leur organisation.
Quant au retard apparent de la France par rapport à certains de ses voisins européens dans la mise en œuvre de la facturation électronique, plusieurs facteurs peuvent être mis en avant. Parmi eux, on peut citer la complexité du système administratif français, les enjeux techniques mal maîtrisés ou encore les débats politiques et les intérêts divergents des différents acteurs économiques. Néanmoins, il est impératif que la France accélère ses efforts pour rattraper ce retard et garantir que ses entreprises restent compétitives sur le marché mondial.
En conclusion, bien que la transition vers la facturation électronique puisse présenter des défis initiaux, il est essentiel de reconnaître ses nombreux avantages à long terme. Les entreprises doivent saisir cette opportunité pour moderniser leurs processus, améliorer leur efficacité opérationnelle et gagner en culture de gestion. Et il incombe aux autorités publiques et aux acteurs privés de collaborer étroitement pour assurer la compétitivité de l’économie française dans un monde de plus en plus numérique.